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sa patte, et ne lui laissoit pas la liberté de s’envoler.

Un jour que M. Allworthy et sa famille avoient dîné chez M. Western, Blifil en se promenant dans le jardin avec Sophie, remarqua son extrême tendresse pour le petit Tommy ; il la pria de le lui confier un moment. Sophie y consentit, non sans difficulté. Blifil, à peine maître de l’oiseau, le débarrassa de son ruban, et lui donna la clef des champs.

L’ingrat Tommy ne se vit pas plus tôt en liberté, qu’oubliant toutes les caresses qu’il avoit reçues de sa maîtresse, il prit son vol et s’alla percher sur la branche d’un arbre, à quelque distance de là.

Sophie jeta un cri aigu. Tom qui n’étoit pas loin, accourut. Dès qu’il sut ce qui étoit arrivé, il accabla Blifil de reproches, ôta son habit et monta sur l’arbre où l’oiseau s’étoit posé. Il alloit saisir son petit homonyme, quand la branche qui s’étendoit au-dessus d’un canal se rompit, et le pauvre garçon tomba la tête la première au fond de l’eau.

Le désespoir de Sophie changea alors d’objet. Craignant pour la vie de Jones, elle cria dix fois plus fort qu’auparavant, et M. Blifil, il faut lui rendre justice, la seconda de toute la force de ses poumons.