que l’air sérieux de son camarade, et la préférence qu’elle donnoit au premier étoit si visible, qu’un garçon moins phlegmatique que M. Blifil en auroit pu concevoir de la jalousie ; mais il n’en montroit aucune, et l’équité nous défend de chercher à pénétrer dans le fond de son cœur, à l’exemple de ces gens perfides qui s’étudient à découvrir les défauts secrets de leurs amis, pour se procurer le malin plaisir de les divulguer.
Cependant comme il est naturel de croire au ressentiment de ceux qu’on craint d’avoir offensés, Sophie imputa à la vengeance une action de Blifil, que la sagacité supérieure de Thwackum et de Square interpréta d’une manière beaucoup plus favorable.
Tom Jones, très-jeune encore, avoit fait présent à Sophie d’un oiseau qu’il avoit déniché, élevé et instruit à chanter.
Sophie, alors âgée d’environ treize ans, aimoit passionnément cet oiseau. Sa plus douce occupation étoit d’en prendre soin, son plus grand plaisir de jouer avec lui. Comblé de faveurs, le petit Tommy (ainsi se nommoit l’oiseau) s’étoit si bien apprivoisé, qu’il mangeoit dans la main de sa maîtresse, se perchoit sur son doigt, et aimoit à se reposer sur son sein, où il sembloit presque sentir son bonheur. Toutefois, dans la crainte de le perdre, elle tenoit toujours un ruban attaché