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sance, tu as vu du moins leurs filles, ces astres resplendissants de notre âge, astres si nombreux que leurs seuls noms rempliroient toutes les pages d’un volume.

En ce cas, tu ne crains pas la dure apostrophe de lord Rochester à un homme qui se vantoit froidement d’avoir vu une foule de belles femmes. « Malheureux ! s’écria le lord, tu n’as point d’yeux si tu les a vues sans admirer l’excellence de la beauté ; tu n’as point d’ame, si tu les as vues sans éprouver sa puissance. »

Cependant, ami lecteur, quand tu aurois vu toutes ces beautés réunies, tu ne pourrois te faire une juste idée de Sophie ; car aucune n’en offroit la véritable image. Elle ressembloit beaucoup à lady Ranelagh, encore plus, dit-on, à la fameuse duchesse de Mazarin, et surtout à cette femme adorée dont les traits ne s’effaceront jamais de mon cœur. Ô mon ami ! si tu l’as connue, il est inutile de te peindre Sophie ; mais de peur que la fortune jalouse ne l’ait dérobée à tes regards, nous allons, malgré le sentiment de notre insuffisance, essayer d’ébaucher pour toi le portrait de notre jeune merveille.

Sophie, fille unique de M. Western, étoit plutôt grande que petite ; sa taille étoit élégante et fine ; la délicate proportion de ses bras annonçoit dans le reste de sa personne une heureuse