Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous ne mangeons pas un morceau de pain, ces pauvres enfants n’ont pas un haillon sur le corps, dont nous ne soyons redevables à sa générosité. » En effet, indépendamment du petit cheval et de la bible, il avoit vendu à leur profit sa robe de chambre et quelques autres objets.

Tom, en revenant au château, fit à M. Allworthy une peinture si touchante du repentir et de la misère de Black Georges, que le bon écuyer se laissa désarmer. Il dit qu’il trouvoit le garde assez puni ; qu’il consentoit à lui pardonner, et songeroit aux moyens de pourvoir à ses besoins et à ceux de sa famille.

Malgré l’obscurité de la nuit, malgré des torrents de pluie, Jones, transporté de joie, s’empressa de retourner sur ses pas, l’espace d’un mille, pour informer la femme du garde de l’heureux succès de sa démarche ; mais comme ceux qui se hâtent trop d’annoncer une bonne nouvelle, il ne recueillit d’autre fruit de sa précipitation, que le chagrin d’avoir bientôt à détruire l’espérance qu’il avoit donnée. Le mauvais génie de Black Georges profita de l’absence de son ami, pour changer de nouveau la face des choses.