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histoire, autant par égard pour cette dame, que par respect pour la règle de la justice et l’éternelle convenance des choses. Un fait certain, c’est que Thwackum continua de fouetter, sans avancer d’un pas vers le terme de ses vœux.

Il étoit tombé, ainsi que Square, dans une erreur grossière dont il revint beaucoup plus tard que son rival. On a vu, par ce qui précède, que mistress Blifil n’avoit pas eu fort à se louer des procédés de son mari. Elle l’abhorroit, et la mort seule avoit pu adoucir un peu la violence de sa haine. Il ne faut donc point s’étonner, si elle ne prenoit pas un intérêt bien vif à l’enfant qu’elle avoit eu de lui. Loin de s’en occuper, elle le voyoit rarement dans ses premières années, et ne lui donnoit aucune marque de tendresse. De là vint qu’elle souffrit, sans trop de répugnance, les témoignages d’affection que M. Allworthy prodiguoit à Tom Jones, qu’il appeloit son fils, et traitoit en toutes choses aussi bien que son neveu. La conduite de mistress Blifil passoit aux yeux des uns pour l’effet d’une pure soumission aux volontés de son frère : les autres pensoient, avec Thwackum et Square, qu’elle n’en haïssoit pas moins l’enfant trouvé. Ils croyoient même que plus elle lui montroit de bienveillance, plus elle le détestoit au fond du cœur, et méditoit sa ruine. Intéressée à le perdre, il lui