Mistress Blifil avoit, dès l’origine, pénétré leurs vues secrètes, sans qu’ils s’en doutassent, et qu’ils eussent l’intention de les lui découvrir. La crainte qu’elle n’en fût blessée, et n’en instruisît M. Allworthy, les obligeoit d’agir avec beaucoup de circonspection. Cette crainte n’avoit aucun fondement. Mistress Blifil étoit loin de s’offenser d’une passion, dont elle comptoit recueillir seule tout le fruit, c’est-à-dire, une ample moisson de louanges et d’hommages. En conséquence, elle caressoit alternativement l’espoir de ses amants, et tenoit entre eux la balance égale. Elle se sentoit, il est vrai, plus d’inclination pour les principes du théologien ; mais la personne du philosophe lui plaisoit davantage. Square étoit un homme agréable, au lieu que Thwackum ne ressembloit pas mal à ce monsieur qui corrige les dames de Bridewell, dans les Progrès du libertinage.
Soit que mistress Blifil fût rassasiée des douceurs du mariage, soit plutôt qu’elle fût dégoûtée de son amertume, soit pour quelque autre motif que nous ignorons, elle ne put se résoudre à écouter la proposition d’un second hymen. Toutefois elle eut à la fin des entretiens si intimes avec Square, qu’il en courut des bruits sur son compte. Nous les croyons calomnieux, et nous nous abstiendrons d’en souiller notre