Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/186

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Quand cette histoire devint publique, bien des gens différèrent de Thwackum et de Square dans leur façon de juger les deux enfants. M. Blifil passa généralement pour un lâche, pour un perfide ; on ne lui épargna aucune épithète injurieuse, tandis que Tom fut partout honoré du titre de brave, de loyal garçon, d’ami généreux. Sa conduite avec Black Georges lui rendit l’affection des domestiques. Quoique le garde ne fût aimé d’aucun d’eux avant cette aventure, à peine eut-il été congédié, qu’il devint l’objet de leur pitié. Tous célébrèrent à l’envi la courageuse amitié de Tom Jones, et blâmèrent la lâcheté de M. Blifil, aussi ouvertement qu’ils le purent, sans courir le risque d’offenser sa mère. Le pauvre Tom ne gagna rien à cela. Pour une occasion perdue, Thwackum en retrouva mille, et le manque de verges auroit pu seul ralentir l’activité de son bras.

Si le pédagogue n’avoit été excité à ce jeu que par le plaisir qu’il y prenoit, il est probable que M. Blifil en auroit eu aussi sa part. Cependant, bien que M. Allworthy lui eût souvent recommandé de ne mettre aucune différence entre les deux enfants, il se montroit aussi doux, aussi indulgent pour l’un, que dur et même barbare pour l’autre. À la vérité, M. Blifil avoit trouvé le secret de gagner son affection, par le profond