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Tant de bonté fit sur Tom une impression que n’auroit pu produire l’excès de la rigueur. Les verges de Thwackum n’avoient point ébranlé sa constance, la douceur de M. Allworthy pensa en triompher. Il fondit en larmes, tomba à genoux, et s’écria : « Oh ! monsieur, vous êtes trop bon pour moi… Oui, infiniment trop bon… En vérité, je ne mérite pas que vous me traitiez si bien… » Et le cœur plein d’émotion, il alloit laisser échapper son secret, quand le bon génie du garde-chasse lui ferma la bouche, en lui montrant les suites funestes de son indiscrétion.

Thwackum s’efforça d’étouffer dans l’ame de M. Allworthy tout sentiment d’indulgence et de pitié. Il dit que Tom étoit un obstiné menteur, et insinua qu’une seconde correction pourroit éclaircir l’obscurité du fait.

L’écuyer refusa de consentir à cette nouvelle épreuve. « L’enfant, dit-il, même en le supposant coupable, n’est déjà que trop puni de son mensonge ; égaré sans doute par de fausses idées, il a cru prendre l’honneur pour guide.

— L’honneur ! s’écria Thwackum avec feu, pur entêtement ! pure obstination ! l’honneur enseigne-t-il à mentir ? l’honneur peut-il exister, indépendamment de la religion ? »

Ceci se passoit à table, vers la fin du dîner, en présence d’un tiers qui se mêla alors à la