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criminels, en certains pays, pour leur arracher des aveux.

Tom endura ce supplice avec une fermeté héroïque. En vain son maître lui demandoit, entre chaque coup, s’il persévéroit à nier la vérité ; il aima mieux se laisser écorcher vif que de trahir son ami, et de violer sa promesse.

Le garde fut ainsi soulagé d’une cruelle anxiété. Quant à M. Allworthy, il éprouva un sentiment de pitié pour Tom ; car outre que le pédagogue, furieux de n’avoir pu obtenir de l’enfant l’aveu qu’il en exigeoit, avoit poussé la rigueur du châtiment fort au-delà de son intention, il commençoit à soupçonner le gentilhomme de s’être trompé. Sa démarche précipitée, la violence de son emportement, rendoient cette conjecture assez vraisemblable. Le dire de ses gens lui paraissoit d’ailleurs mériter peu de foi. Or comme M. Allworthy ne pouvoit supporter un instant l’idée d’avoir commis une injustice, il envoya chercher Tom, et d’un ton aussi doux qu’amical : « Mon cher enfant, lui dit-il, je suis convaincu que mes soupçons étoient mal fondés ; je regrette qu’ils vous aient attiré une punition si sévère. » Après ces paroles affectueuses, il lui donna un petit cheval, pour le dédommager, et lui témoigna de nouveau son chagrin de ce qui s’étoit passé.