Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Une aventure arrivée à peu près vers ce temps, fera mieux connoître le caractère des deux enfants, que la plus longue dissertation.

Tom Jones qui, tout pervers qu’il est, sera pourtant le héros de cette histoire, ne comptoit qu’un seul ami parmi les domestiques de la maison ; car mistress Wilkins, réconciliée avec sa maîtresse, l’avoit depuis long-temps abandonné. C’étoit le garde-chasse, très-médiocre sujet, qui passoit pour ne pas avoir des idées plus justes de la différence du tien et du mien, que l’enfant lui-même : aussi leur amitié fournissoit-elle aux domestiques mille railleries piquantes qui étoient déjà, ou sont devenues depuis des proverbes, et se réduisoient toutes dans le fond à ce court adage latin : Noscitur a socio ; en françois : « Dis-moi qui tu hantes, et je te dirai qui tu es. »

Peut-être cette horrible scélératesse de Jones, dont nous venons de rapporter deux ou trois traits, provenoit-elle en partie des mauvais conseils du garde-chasse qui, en plusieurs circonstances, avoit été le recéleur de ses larcins. C’étoit lui, par exemple, qui avoit mangé, avec sa famille, le canard entier et plus de la moitié des pommes, quoique le pauvre Jones, découvert seul, eût supporté la honte de ces deux vols, et par-dessus le marché tous les coups. Il en fut encore de même à l’occasion suivante.