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l’appuyèrent d’arguments d’un poids si égal, qu’ils ne servirent qu’à les confirmer réciproquement dans leur opinion.

À dire vrai, la plupart des médecins adoptent une maladie d’affection, à laquelle ils attribuent toutes les victoires de la mort sur la nature humaine. La goutte, le rhumatisme, la pierre, la gravelle, la consomption, la fièvre nerveuse ou morale, ont chacune leur patron dans la docte faculté. Ainsi s’expliquent les fréquentes contestations qu’excite parmi les disciples d’Hippocrate le trépas de leurs patients ; et le fait que nous venons de rapporter apprend à ne point s’en étonner.

On demandera peut-être pourquoi nos esculapes, au lieu de chercher à ranimer le capitaine, s’engagèrent dans une discussion puérile sur la cause de sa mort. Mais toutes les ressources de l’art avoient été épuisées avant leur arrivée. On avoit eu soin de mettre le capitaine dans un lit bien chaud, de le saigner, de lui frotter le front et les tempes, d’appliquer sur ses lèvres et à ses narines des eaux spiritueuses. Les docteurs se voyant prévenus dans leurs ordonnances, ne surent comment employer l’espace de temps que l’usage et la décence les obligent de consacrer à leurs visites, pour faire semblant d’en gagner le salaire. Ils se trouvèrent donc dans la nécessité