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d’autant plus de ne pouvoir exposer aux yeux du lecteur, qu’à notre avis le luxe du siècle présent auroit peine à en égaler la magnificence. Ce plan avoit, au suprême degré, le double mérite qui recommande les grandes entreprises de cette nature. Il falloit pour l’exécuter des sommes énormes, et un long espace de temps. Mais le capitaine pensoit que l’immense fortune de M. Allworthy, qu’il regardoit déjà comme la sienne, fourniroit de reste à la dépense. Quant au temps, il trouvoit dans son âge, qui n’étoit encore que le terme moyen de la vie, et dans la force de sa constitution, toutes les garanties désirables.

Rien ne lui manquoit plus pour commencer l’exécution immédiate de son plan, que la mort de M. Allworthy. Il employa ce qu’il savoit d’algèbre à en supputer l’époque approximative, il compulsa les tables de mortalité, médita sur les cas fortuits, sur les maladies imprévues, et demeura convaincu qu’en mettant les choses au pis, la chance qu’il souhaitoit ne pouvoit manquer d’arriver dans un petit nombre d’années.

Mais un soir qu’il étoit livré à ses réflexions accoutumées, un accident aussi funeste qu’inopiné en interrompit le cours. La malice du sort ne pouvoit lui jouer un tour plus noir, plus cruel, plus fatal à ses desseins. Bref, pour ne pas