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plus juste que de montrer et de réclamer à son tour une indulgente bienveillance. C’est un exercice de l’amitié, c’est peut-être le plus doux de ses plaisirs ; et il ne faut y attacher aucune condition d’amendement. Quoi de plus extravagant, que de prétendre corriger les infirmités de ceux qu’on aime ? Il peut se trouver une tache dans le meilleur naturel, comme dans le plus beau vase. Quoique cette tache soit ineffaçable, l’un et autre ne perdent rien de leur prix.

Enfin M. Allworthy voyoit certainement des imperfections dans le capitaine ; mais ce dernier les dissimuloit avec tant d’adresse et une prudence si soutenue, qu’elles ne sembloient à l’écuyer que de légers défauts dans un caractère estimable. Sa bonté les excusoit, et sa sagesse l’empêchoit d’en parler au capitaine. Il auroit bien changé de sentiment, s’il étoit parvenu à découvrir l’exacte vérité ; ce qui seroit sans doute arrivé, pour peu que les deux époux eussent continué à vivre ensemble de la même façon. La fortune secourable y mit bon ordre, en forçant le capitaine de prendre un parti qui lui rendit toute la tendresse de sa femme.