Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.

discorde, et la source d’une multitude de querelles qui finirent par inspirer à la femme un souverain mépris pour son mari, et au mari une profonde aversion pour sa femme.

Adonnés l’un et l’autre à l’étude de la théologie, ils en avoient fait, dès les premiers moments de leur connoissance, le principal sujet de leurs entretiens. Le capitaine, en homme qui savoit vivre, ne manquoit pas, avant son mariage, de déférer en toutes choses à l’opinion de miss Bridget ; et il ne lui rendoit pas cet hommage avec la grossière maladresse d’un sot opiniâtre qui, même en cédant, conserve encore un air de triomphe. M. Blifil, quoiqu’un des plus vains personnages qu’il y eût au monde, s’avouoit vaincu de si bonne grace, que sa belle antagoniste, persuadée de sa sincérité, sortoit toujours du combat, enchantée d’elle et de lui.

Cette complaisance du capitaine pour une personne dont il méprisoit les connoissances, lui coûtoit moins que s’il eût été forcé, par un calcul d’intérêt, de se soumettre à l’autorité d’un Hoadley, ou de tout autre savant célèbre. Cependant, quelque légère que fût la contrainte qu’il s’imposoit, il n’étoit pas homme à la prolonger sans motif. Aussi, dès que le mariage lui permit de s’en affranchir, il changea de ton, de manières, et se mit à régenter sa femme avec le despotisme