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preuves sensibles et multipliées de la fureur de sa femme, resta muet d’étonnement à cette étrange accusation. Dans le fait, il ne l’avoit pas frappée une seule fois. La troupe des commères interpréta son silence comme un aveu de son crime, et le chargeant à l’envi d’injures et d’imprécations, déclara qu’il n’y avoit qu’un lâche qui fût capable de battre une femme.

Le pédagogue supporta patiemment l’orage ; mais quand mistress Partridge osa imputer à sa brutalité le sang dont elle étoit couverte, il ne put s’empêcher de le réclamer, car c’étoit bien réellement le sien. « N’est-ce pas, disoit-il, le comble de l’injustice, d’invoquer contre moi mon propre sang, comme on invoque celui d’une personne assassinée contre le meurtrier ? »

Les commères lui répondirent, qu’il étoit fâcheux que ce sang ne provînt pas de son cœur, plutôt que de son visage, et jurèrent toutes d’arracher les yeux à leurs maris, s’ils s’avisoient de lever la main sur elles.

Après avoir adressé au pédagogue une multitude de reproches sur le passé, et de conseils pour l’avenir, elles se retirèrent, laissant le mari et la femme engagés dans un entretien, où Partridge apprit bientôt la cause de toutes ses souffrances.