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celles de la fournaise d’un forgeron : en sorte que cette moderne amazone auroit glacé d’effroi un homme beaucoup plus hardi que Partridge.

Le pédagogue, en s’emparant de ses bras, eut enfin le bonheur de rendre inutiles les armes qu’elle avoit au bout des doigts. Mistress Partridge ne se vit pas plus tôt réduite à l’impuissance d’agir, que la douceur naturelle à son sexe l’emporta sur la colère ; elle fondit en larmes et s’évanouit.

Le peu de raison que M. Partridge avoit conservée durant cette scène terrible, dont il ignoroit encore la cause, l’abandonna entièrement à ce spectacle. Il descendit comme un fou dans la rue, criant à tue-tête que sa femme se mouroit, et appelant ses voisins au secours. Quelques commères accoururent, et réussirent, par les moyens d’usage, à ranimer mistress Partridge, au grand contentement du pacifique époux.

Dès qu’elle eut repris ses sens et restauré ses forces, à l’aide d’un cordial, elle instruisit la compagnie des nombreux outrages de son mari, qui, non content, dit-elle, de souiller le lit conjugal, n’avoit répondu à ses justes reproches que par les plus cruels traitements, lui avoit arraché les cheveux, déchiré son corset, et donné des coups dont elle garderoit la marque jusqu’au tombeau.

Le malheureux, qui portoit sur sa figure des