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royal lui-même. Vient-elle à laisser échapper de ses griffes une souris, qu’elle s’est plu long-temps à torturer ? elle se fâche, s’irrite, gronde et jure. Si l’on déplace le meuble derrière lequel s’est réfugiée la souris, elle fond comme l’éclair sur sa proie, et avec un redoublement de rage, elle mord, égratigne, déchire, et met en pièces le foible animal.

Telle et non moins furieuse, mistress Partridge se précipite sur le pédagogue, l’accable d’injures, l’attaque à coups de poing, à coups de dents. En un instant, sa perruque est arrachée, sa chemise vole en lambeaux, et de son visage déchiré coulent cinq ruisseaux de sang, indices visibles du nombre de griffes dont la nature a pourvu sa redoutable ennemie.

M. Partridge se borna d’abord à la défensive. Il tâcha de garantir sa figure avec ses mains ; mais voyant que la fureur de sa femme alloit toujours croissant, il crut qu’il pouvoit chercher à la désarmer, ou du moins à enchaîner ses bras. Dans cette lutte, mistress Partridge perdit son bonnet ; ses cheveux, trop courts pour atteindre ses épaules, se dressèrent sur sa tête ; son corset, qu’attachoit un simple nœud, s’ouvrit, et sa gorge volumineuse, privée d’appui, prit une direction contraire à celle de ses cheveux. Son visage étoit teint du sang de son mari, elle grinçoit des dents, le feu jaillissoit de ses prunelles, comme les étin-