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il la citoit sans cesse ; et pour ne point mentir, les occasions ne lui manquoient pas d’en éprouver la justesse.

Jenny voulut en vain protester de son innocence, sa voix se perdit au milieu de l’orage. Elle fit donc son paquet, qui tint aisément dans quelques feuilles de papier gris, puis ayant reçu le peu de gages qu’on lui devoit, elle retourna dans sa famille.

Le maître d’école et sa femme passèrent le reste de cette journée d’une manière assez désagréable ; mais dans l’intervalle du soir au matin, le mari trouva moyen d’apaiser un peu le courroux de sa moitié, qui daigna enfin recevoir ses excuses. Elle y ajouta foi d’autant plus volontiers, que Partridge, au lieu de chercher à retenir Jenny, parut fort aise de son départ. Il lui reprochoit d’employer la plus grande partie de son temps à la lecture, et de prendre peu de soin du ménage ; il se plaignoit encore de ce qu’elle étoit devenue entêtée et impertinente. La vérité est que Jenny avoit avec son maître de fréquentes disputes sur des questions de grammaire, qu’elle entendoit beaucoup mieux que lui. Partridge n’en vouloit pas convenir ; il traitoit sa résistance d’opiniâtreté, et commençoit à se sentir pour elle une assez forte aversion.