Page:Fiel - Trop belle, 1926.djvu/95

Cette page a été validée par deux contributeurs.

visites qu’elle accordait à Roger ne suffisaient pas à lui porter ombrage. Puis, se trouvant sans reproches, elle estimait en toute loyauté, que les autres devaient faire de même. De plus, elle ne partageait pas l’espoir de sa mère. Elle ne niait pas que Roger ne la trouvât belle ; il obéissait tout simplement, selon elle, au même attrait que bien des hommes subissaient, mais elle ne croyait pas qu’il remplacerait sa femme.

C’est pourquoi elle estimait d’autant moins compromettantes les attentions qu’elle avait pour le malade. Elle se sentait attirée vers lui, justement par cette conformité de situations : il pleurait une femme qu’il n’avait plus, et elle pleurait un fiancé qu’elle n’avait pas encore. Tous deux ressentaient une mélancolie provenant de leur cœur et cela les rapprochait, du moins Sylviane le considérait comme un frère à qui elle aurait pu confier son chagrin.

Mais aucune confidence ne jaillissait de ses lèvres. Elle se contentait de les penser, restant souvent rêveuse auprès de la chaise-longue du jeune homme, n’éprouvant pas le besoin de se dépenser en frais mondains.

Lui, la contemplait en devinant peu à peu son secret, avec cette prescience qu’ont souvent les malades, dont l’action se trouve entravée au profit de la pensée.

Il voyait que la jeune fille était d’une nature rare avec des scrupules d’une délicatesse extrême.

Il savait maintenant qu’elle aimait Luc et se demandait pourquoi ce dernier ne sollicitait pas sa main.

Il ne comprenait pas pourquoi toutes ces personnes ne s’expliquaient pas franchement. Mais ne recevant nul mot révélateur de son entourage, il ne pouvait guère les provoquer. Cependant cette belle jeune fille mélancolique lui faisait peine.

S’il avait été dans les idées ordinaires, il se serait peut-être avancé, mais Roger de Blave était l’homme d’un seul amour, et sa femme n’existant