moiselle, et je suis surpris de la voir sortir d’une bouche aussi juvénile. Qui donc vous a appris à réfléchir ?
— Je suis seule, répondit brièvement Annette.
— Seule ? orpheline ?
— Oui, monsieur, et je vis avec ma grand’mère. Or, les vieillards n’aiment pas beaucoup parler, et il faut bien que les petits-enfants réfléchissent.
— C’est fort bien, mademoiselle Annette. Vous ne vous ennuyez jamais ?
— Quelquefois, mais je me marierai.
Luc pensa : bon, cette petite est rusée, les avances vont m’être faites encore une fois. Dire qu’il n’y a qu’une seule femme qui m’ait refusé, celle que je voulais ! Mais décourageons celle-ci.
Il reprit tout haut :
— Oui, vous vous marierez, vous trouverez facilement un jeune homme aussi charmant que vous.
— Je le pense, répondit simplement Annette.
— Ici même, à Vichy, il y en a beaucoup.
— Je le crois, murmura brièvement Annette.
— Comment, vous le croyez ! vous ne les voyez donc pas, au Casino, dans les rues, dans le parc ?
— Non, pas trop, répondit avec un sourire malicieux la jeune Annette.
De nouveau Luc songea : c’est bien cela ! elle va me dire : je ne vois que vous.
— Vous êtes bien aveugle, jeune fille, pour une personne aussi réfléchie, vous avez cependant deux jeunes gens dans votre cercle qui semblent attachés à vos pas : messieurs Dormont et Balor.
— Oh ! ceux là… commença Annette avec une moue.
— Comment, ceux-là, ce sont des jeunes gens dont on ne parle pas en mal, donc on en pense du bien.
— Vous en êtes sûr ?
— Quelle petite incrédule !
Luc disait cela en riant, mais il était fort perplexe. Il trouvait qu’Annette l’acculait et il prévoyait le moment où il serait obligé de la détromper brutalement.