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vibrant et chaud qui répandait des larmes amères, le soir, dans sa chambre solitaire.

Elle scellait soigneusement tous ces sentiments ne voulant pas se donner en spectacle, préférant montrer une physionomie indéchiffrable plutôt que d’exciter la pitié ou peut-être même la risée.

Pour se fortifier, elle s’agenouillait devant son crucifix et là, seule, devant son Dieu, elle murmurait la haute parole : « Fiat… » qui l’aidait à se soumettre.

Mais elle avait besoin d’action et regrettait que son intelligence ne lui servît pas utilement. Elle restait passive n’osant pas secouer le joug des préjugés de peur de peiner sa famille.

Elle se jurait pourtant qu’en automne la situation changerait. Elle avait hâte de travailler pour échapper à cette geôle où la condamnaient les conventions. Elle pensait qu’elle se remettrait sérieusement à la musique.

Son ressentiment contre Madame Bullot s’atténuait. Elle comprenait assez que la vieille dame désœuvrée se fut laissée influencer par l’imprévu que lui suggérait Luc. Son intention avait été bonne. Cependant, elle ne l’avait pas revue, mais espérait passer de bonnes heures en sa compagnie à Vichy. Elle était loin de se douter que Luc Saint-Wiff l’accompagnerait.

Elle pensait ne le rencontrer plus jamais, et si ce regret la rendait parfois taciturne, la tranquillité était sa compensation. Elle espérait trouver le calme à mesure que le temps s’écoulerait, et voulait être raisonnable, jugeant peu logique d’accorder un souvenir à un projet qu’elle avait repoussé de son propre gré. Son refus, avait été peu calculé, c’est vrai, mais il comblait sa dignité de jeune fille pauvre, et plus elle y songeait, plus elle estimait qu’il avait été la réponse sonnant juste, pour ce jeu irréfléchi.

Elle se persuadait que ses paroles eussent été semblables, si le loisir de la réflexion lui eût été donné.

Louis Dormont et Francis Balor la rencontrèrent.