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Sylviane descendit rêveusement les cinq étages. Elle frissonnait au contact de tant de fatalité et de courage et elle se demandait ce que les malheureux seraient devenus, si une idée providentielle ne les avait pas poussés vers elle.

Qu’il lui était doux de sauver cette famille de la détresse, et comme elle bénissait son art qui lui procurait une telle satisfaction. Cependant, elle aurait voulu que son aide fut plus efficace. Insensiblement, elle vit clairement à quoi elle était amenée : à renoncer totalement à son cher travail.

Elle ne composerait plus. Elle secourait ainsi le jeune ménage et elle contentait le cœur de Luc.

Sa décision adoptée définitivement, tout lui sembla plus léger. Elle songea à la joie de Luc et à celle des Vidal et beaucoup de douceur entra dans son âme.

Ce fut avec impatience que Sylviane attendit le lendemain. Elle réunit encore quelques feuillets de musique qu’elle avait jugés inutiles, y joignit des offres arrivées par lettres, et se dirigea, le cœur léger, vers le logis de la famille Vidal.

Elle fut accueillie avec la même gratitude affectueuse et cela réchauffa son âme un peu morne au moment de l’abandon qu’elle allait faire.

— Ah ! j’ai bien travaillé !… s’écria l’artiste… vous jugerez tout à l’heure… Je suis complètement sous le charme de votre musique… Cela me donne des idées… mon inspiration revient… mon cerveau se dégage… et… ma parole… j’ai pu me tenir sur mes jambes ce matin… durant au moins dix minutes… Est-ce vrai… Marie ?

— Mais oui… mon ami… J’en étais aussi émue que surprise… ajouta-t-elle en se tournant vers Sylviane.

— Ah ! le contentement produit bien des miracles… dit le malade avec feu… Mais vous allez entendre ce que nous avons adapté après votre départ… Quelle bonne soirée nous avons eue !… Je vous en bénis… et comment pourrai-je vous en remercier ? J’espère d’abord que vos droits