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— Mon mari est par là, murmura Madame Vidal.

Elle fit entrer Sylviane dans une chambre à coucher où l’artiste s’allongeait sur une chaise-longue.

Il s’écria, en essayant de se soulever :

— Soyez bénie, chère Mademoiselle !

Sylviane, au comble de la pitié, s’approcha du malade. Ses membres étaient complètement ankylosés par la douleur et l’enflure. Sa tête seule pouvait bouger, et dans les yeux élargis par la souffrance, une flamme courait née sous la joie. Sylviane pressa les mains déformées qui ne pouvaient se tendre vers elle.

— Que puis-je pour vous ?

— Laissez-moi d’abord vous complimenter sur votre talent et votre succès. Vous parviendrez vite à la notoriété. Vous avez tout ce qu’il faut pour plaire au public : l’art qui enthousiasme, et la beauté qui séduit, et j’ajouterai la bonté qui conquiert.

— Vous me rendez confuse, balbutia Sylviane.

— Vous vous habituerez vite à la gloire, reprit M.  Vidal, et elle vous sera bientôt légère. J’ai cru la tenir, mais la maladie est venue et elle a amené le dénuement. Voici ce que je voudrais de vous. J’ai remarqué que nous possédions le même genre de style.

Il s’interrompit pour dire à sa femme :

— Marie, veux-tu jouer ma dernière œuvre ?

La jeune femme docile, s’assit au piano et attaqua les mesures de l’allegro d’une sonatine.

— Vous entendez ? poursuivit Vidal. Là, c’est assez. Marie, joue maintenant la polonaise de mademoiselle. Vous sentez combien nous nous rapprochons ? eh bien, voici ce que j’ose vous demander : une collaboration.

Sylviane écoutait sans un geste, sans un mot.

Devant son silence, l’artiste reprit :

— Par le plus grand des hasards, un auteur vient de me solliciter pour composer la partition d’une pièce de théâtre. J’ai essayé de travailler