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il paraît que c’est masculin. Nous n’y pouvons rien.

— C’est effarant.

— Une femme, au contraire, est ravie de la gloire de son mari, elle s’immole devant elle ; plus il en conquiert, plus elle en appelle. Mais un homme faucherait tout l’univers pour qu’il n’applaudisse pas au succès de celle qu’il a conquise.

— Chère Madame, je crois tout uniment que Luc n’aime pas la musique ; elle l’exaspère.

— Non, ma mignonne, faites-en l’expérience ; composez pour Luc seul, et cachez vos productions dans un tiroir, et vous verrez qu’il portera la musique aux nues.

— C’est un peu incohérent.

— Non, ce n’est qu’humain. L’amour qui est très indépendant, ne laisse aucune indépendance à ceux qu’il enchaîne. Luc suit ce principe, il vous aime et désirerait que vos moindres pensées se rapportassent à lui.

— Mais tout en travaillant, je ne pense qu’à lui !

— Sans doute, mais vos compositions ne le visent pas directement.

— Alors, il faut que j’abandonne cet art ?

— Ce serait un gros sacrifice, mais il comblerait de joie cet amoureux un peu exclusif.

Sylviane ne répondit pas. Elle trouvait Luc tyrannique quoiqu’elle comprît son état d’âme.

Elle retourna, perplexe chez elle, tandis que Madame Bullot se disait : On s’imagine que le souci est terminé, et il recommence ; si Luc n’avait pas pris la fuite si stupidement, Sylviane n’aurait jamais songé à perfectionner le talent qui se trouvait latent en elle.

Cependant la jeune fille s’observa et évita d’entretenir Luc de ses travaux.

Cette nouvelle manière ne réussit pas davantage. Luc sentit immédiatement que Sylviane avait perçu son mécontentement et il se fit horreur. Il pensa qu’il avouait là un caractère détestable et fut honteux. Il s’en voulut de