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autour de lui, car chacun se taisait au sujet de la jeune fille.

Il sentait que ce silence était voulu, car malgré la musique, on aurait pu glisser un mot pour l’éclairer. Il était déçu ; ce n’était pas ainsi, qu’en wagon, il s’était imaginé le retour. Il évoquait Sylviane chez elle, l’attendant, émue…

Il pensait aussi qu’après une période aussi mouvementée les préliminaires embarrassants auraient été supprimés et qu’il serrerait la jeune fille sur son cœur, devant ses parents attendris.

Au lieu de ce tableau où on le fêtait, il semblait lui cependant le héros, indigne de la moindre attention.

Tout l’enthousiasme se portait vers la musique, vers ce concert insipide comme ses pareils.

À peine entendait-il le programme qui se déroulait. Il s’appesantissait sur sa pensée, il la ressassait et la retournait.

Pendant les courts moments qui séparaient les morceaux exécutés, il ne questionnait plus Madame Bullot constatant l’inutilité de ses demandes.

Elle parlait d’ailleurs à Madame Foubry, assise près d’elle.

Un autre numéro commença. Il sembla à Luc que le silence devenait plus profond. Il écouta presque malgré soi et fut bientôt pris par le charme original des mesures que l’on jouait.

C’était doux, et passionné par moments. Des murmures d’approbation sourdaient de temps à autre, et Luc ne pouvait s’empêcher d’être tout oreilles.

À ses côtés, Madame Bullot s’agitait.

À peine le dernier accord fut-il plaqué, que les bravos éclatèrent frénétiques : On criait : l’auteur !… l’auteur !…

Machinalement, Luc suivit l’impulsion et imita ses voisins.

Il ne remarqua pas Madame Bullot qui le regardait malicieusement.

Tous les yeux étaient fixés sur la porte par où devait apparaître le compositeur.