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Jusqu’alors assez docile, pourvu qu’on ne le contrariât pas trop, ses parents n’avaient pas eu à s’élever contre des prouesses outrancières.

C’était un jeune garçon qui allait tranquillement dans la vie, sans se préoccuper immodérément de ses voisins. Il rendait service quand on l’en priait mais il ne s’imposait pas.

La conduite de sa sœur le transforma.

De la voir sans cesse en lutte avec la vérité, il voulut inaugurer un autre genre et il prit la contre partie sans en provenir personne.

Il commença par le livreur de l’épicerie. Ce jeune homme vint un jeudi apporter des denrées et Bob se trouvait dans la cuisine par hasard.

Le pauvre garçon était mal partagé par la nature en ce sens qu’il avait des yeux bigles.

Bob le regarda en souriant et lui dit :

— Comme vous avez de jolis yeux, mon ami.

— Qu’est-ce que vous dites ?

Justine atterrée, laissa tomber un sac de sel qui se répandit dans la cuisine.

— M’sieu Bob… murmura-t-elle.

— Si c’est pour vous moquer de moi, reprit le livreur, le patron sera tenu au courant. J’ai un œil qui trempe la soupe et l’autre qui épluche une pomme de terre… ben quoi ! ce n’est pas de ma faute, n’est-ce pas ?

— J’aime ces yeux-là, répartit Bob avec un grand sang-froid.

Sidonie étant entrée, alors que cette phrase était prononcée, poussa un cri d’horreur en