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Suzette avait omis, dans son étourderie de naguère, de téléphoner à son père de venir la chercher. Elle s’en félicita. Elle rentrerait seule et ce n’était pas pour l’effrayer. En parisienne consommée, elle savait prendre un autobus et demander son chemin aux agents. Elle observait le règlement des passages cloutés et ne passait que collée à un groupe dont elle tenait le milieu.

Elle dit donc simplement :

— Au revoir, Madame. Et puis, calmez-vous, n’est-ce pas ? Il ne faut pas se mettre souvent en colère, parce que cela peut jouer des tours.

Sans autre adieu, Suzette alla vers la porte, l’ouvrit et sortit.

Mme Brabane toute à sa fureur ne s’aperçut même pas que Suzette était seule. Elle laissa éclater sa colère, sitôt la porte refermée, et ce fut Marie qui subit le flot de rancune que déversa l’âme de sa mère.

Elle finit par balbutier dans sa bonté :

— Je crois que Suzette a agi dans une excellente intention… Elle n’est pas méchante du tout, mais elle est trop franche. C’est très vrai que je ne suis pas jolie.

Pendant que la mère et la fille s’épanchaient, Suzette rentrait paisiblement chez elle. Elle n’avait nullement peur de se savoir à l’abandon dans les rues. L’autobus l’amusait et elle savait fort bien celui qu’il fallait prendre.