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SUR LE SOL D’ALSACE

Sitôt l’homme passé, sa bouche retomba dans son pli amer et elle songea :

— C’est l’Allemand qui me pousse dehors… moi, et les autres…

Elle arriva dans la grande rue de Saverne. Un apaisement lui vint par le mouvement de la ville qui la distrayait. Chaque toit lui était familier ; elle connaissait leurs pointes et leur couleur rouge. L’église carrée où Louise s’était mariée la troubla… Une douleur la traversa, rapide comme l’ombre d’un nuage qui court sur un champ.

Elle arriva chez Mme Hürting et se présenta devant elle, en disant simplement :

— Madame, me voici…

Elle se tenait toute droite sur le seuil de la porte. Elle se détachait sombre, sur l’ombre du vestibule ; son visage, durci par le chagrin et la fierté, ressortait comme un masque de cendre avec des orbites creuses.

Mme Hürting, qui tricotait près d’une des fenêtres se leva, s’approcha d’elle et l’embrassant :

— Ma pauvre Marianne…