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prudence rocaleux

— Oh ! je l’ai gagnée, ma chance… Je suis en place depuis l’âge de 13 ans, et j’en ai 50 aujourd’hui.

— Oui, le temps passe…

— Ne m’en parlez pas !

— Ça m’ennuiera de ne plus vous voir.

— Eh ! vous viendrez chez nous, pour passer quelques jours ; vous mangerez des œufs frais pondus…

— Vous êtes bien aimable, vous pensez que cela me fera un vrai plaisir.

Il y eut une pause dans la conversation, et Prudence reprit avec un enjouement forcé :

— Et vot’ patron, y cherche toujours l’assassin de son pauv’ papa ?

— Ben, oui, c’est long, vous savez, ces affaires-là ; on a peur de se tromper. La police a du fil à retordre, il vient beaucoup de monde et je les conduis par toute la maison, même dans ma chambre ; c’est malheureux que je couchais là-haut, sans quoi j’aurais plus à dire…

— C’est vrai ! et vous auriez pu gagner les 100 000 francs.

— Oh ! je n’suis pas une femme d’argent ! pourvu que j’aie mon petit nécessaire… J’aurais eu cette somme, j’aurais eu du superflu, bien sûr ! mais quoi, je m’en passe…

— Vous êtes bien raisonnable !

— J’ai toujours été dans la pauvreté ; alors j’ai l’habitude, et puis, je ne suis pas envieuse.

— C’est beau, ces pensées-là ! Mais monsieur vot’ patron m’a dit que vous héritez d’une rente du défunt, comme Apollon.

— Bien sûr, et c’est ce qui me permettra de soigner mes varices un peu plus tôt… Je dois dire que monsieur était si bon qu’il me versait déjà cette rente depuis quelques années, pour que je puisse achever not’ maison. Il