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prudence rocaleux

— Je crains de ne plus être maîtresse absolue chez moi.

— Ne vous en plaignez pas !

— Il est certain que n’ayant pas à diriger, j’aurai l’esprit plus libre.

— C’est un grand avantage.

M. Dilaret était magistrat. Une impassibilité étudiée le dominait, comme il se doit à tout juge.

Il déplia son journal, après s’être reposé quelques minutes dans le studio où sa femme était venue le rejoindre.

Peu après survint Jacques Dilaret, charmant jeune homme qui, lui, s’occupait d’une usine de soierie dont le propriétaire était un ami de son père.

Il était gai, tout en demeurant sérieux. Il était bon, sans faiblesse. Il plaisait beaucoup aux jeunes filles, mais il n’avouait pas encore de préférence. D’ailleurs, il ne se montrait pas dans la société depuis longtemps, parce qu’il n’était sorti de l’École centrale que depuis deux ans. Une claudication, survenue pendant son année de service militaire, l’avait dispensé de partir pour les armées. Mais il rendait tellement de services dans son usine et aux œuvres de guerre, que son départ eût été un désastre.

Il embrassa sa mère et il eut presque la même phrase que son père, mais en plus moderne :

— Quel raffut dans votre cuisine ! Vous avez donc une nouvelle acquisition ?

— Tu veux parler de la domestique ? Elle t’intéressera, toi qui aimes les caractères originaux.

— Ah ! et quel âge ?

— Celui qui me plaira !

Jacques regarda sa mère, alors que M. Dilaret quittait son journal des yeux.