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prudence rocaleux

se sentait la bouche desséchée, la gorge contractée.

Cependant, cette alarme se dissipa dans l’espace de quelques secondes, et elle répondit niaisement à dessein avec une intonation où sonnait la bêtise :

— Je suis ici pour voir Mamzelle Julie.

— Je regrette que ce ne soit pas pour moi, repartit galamment le valet de chambre.

Prudence eut un coup au cœur, parce que c’était là son unique souci : le voir…

Elle pensa : il est malin… il sait que je viens pour le démasquer…

Julie, la bonne bête, répliqua en souriant :

— Mâme Prudence est venue pour moi ; mais quand en passant on fait la connaissance d’un bel homme, c’est une veine.

— Eh bien ! Julie, s’écria Apollon, il portait ce nom, vous dites de jolies choses !

— Vaut mieux dire des sottises qu’en faire, intervint Prudence qui recouvrait sa manière ordinaire.

Cependant, elle se forçait pour être aimable, parce qu’Apollon lui devenait de plus en plus antipathique, bien que ce fût chez elle de la plus pure imagination.

Quand elle reprit le chemin du retour, elle resta dans la plus affreuse perplexité. Cet Apollon lui paraissait un monstre. Il fallait dévoiler son forfait au plus tôt ! Mais comment s’y prendre ?

Prudence estima que le plus sûr moyen pour venir au bout d’une affaire était le chemin direct.

Elle irait donc trouver M. Rembrecomme pour l’éclairer sur son valet de chambre. Et, si ce monsieur ne voulait pas l’écouter (il faut tout prévoir), elle accuserait Apollon en personne.