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prudence rocaleux

— Je suis interloquée !

— Il n’y a pas de quoi ! Je croyais Ma­dame avec un cerveau plus solide. Pourtant, Madame est entourée d’assassins et de vo­leurs et…

— Que me racontez-vous là !

— Ce n’est pas vrai peut-être ? À quoi que servirait Monsieur, alors ! s’il n’y avait pas de brigands ? C’est une chance pour lui, qu’il y en ait sur la terre. Ainsi, moi, je le bénis mon assassin, je veux dire celui de M. Rembrecomme ; mais il devient le mien, puisqu’il me fait gagner une richesse.

— Ne vous faites pas trop d’illusions !

— Que Madame me laisse rêver ! C’est si agréable et fortifiant ! Si vous saviez les belles heures que je passe à m’acheter ce que j’ai­merais avec cet argent ! J’ veux un bon fau­teuil avec des œillères de chaque côté.

— Vous voulez parler des oreillettes, sans doute ?

— Oui c’est si pareil à celles des chevaux qu’on peut prendre les unes pour les autres. Je me vois déjà dans ce fauteuil-là. Et puis, une bonne T. S. F. me ferait plaisir. Bien carrée dans ce presque lit avec une musique agréable ou bien un monologue amusant ! Ça serait la peine d’être au monde. J’aurais une maison aux champs, que je serais heureuse. Madame !

— Ne rêvez pas autant, et songez au dîner !

— Je n’oublie rien, Madame.

Et digne, Prudence rentra dans sa cuisine, en murmurant des paroles que sa maîtresse n’entendit pas.

Elle resta tranquille pendant un quart d’heure, puis elle revint avec un visage épa­noui :

— Madame, moi qui dis que je n’oublie