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prudence rocaleux

geois. Les domestiques ont besoin de repos, et les patrons ont besoin de manger. Si des personnes qui voudraient changer leur ordinaire, prenaient cette charge-là, cela serait pour le bien-être de tout le monde… Les « bonnes » auraient congé, les madames seraient servies, et les « extras » feraient un bon petit repas !

Mme Dilaret ne répondait pas à ces remarques qu’elle trouvait cependant judicieuses.

Pendant une quinzaine de jours, le temps passa sans trop d’imprévus. La bonne Prudence se montrait un peu plus silencieuse, et sa patronne se rassurait pour ses bévues. Elle prenait confiance et n’était pas du tout mécontente de cette servante, qui abattait de bonne besogne et savait plaire par une cuisine bien soignée.

Cet état de calme ne dura pas.

Un matin, vers 10 h. 30, Prudence revint de ses courses dans un état effrayant. Elle était entrée dans sa cuisine comme une catapulte, et sa porte s’était refermée si violemment que Mme Dilaret était accourue.

— Vous rentrez bien tard de vos courses… Vous êtes partie à 8 heures.

— Ah ! quand Madame saura ce qui arrive, elle sera contente de me voir là, et ne pensera pas à me sermonner !

— Vous avez, sans doute, encore trop parlé !

— Eh bien ! c’est justement le contraire ! Madame peut me croire ! j’aurais dû parler davantage. Cette fois, c’est grave. Voilà, j’étais chez la bouchère, le patron était sorti, et elle avait près d’elle son petit qui a 4 ans. Il y avait une cliente et moi ; je regardais la viande ; je choisissais de l’œil mon morceau, tranquillement, sans m’occuper de rien. La cliente part et, à ce moment, le petit tombe, et la mère l’emporte dans son arrière-boutique