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prudence rocaleux

— Et mon futur, il en tient toujours pour moi ?

— Dame !

— J’ vas vous conduire à mon paternel. Hep. ! hep ! p’pa, arrête ton fourbi ! v’là la bonne femme qui m’a raconté le boniment du Prince charmant…

À sa profonde horreur, Prudence vit stopper devant elle un marchand de peaux de lapins, qui traînait sa voiture à bras. Un visage sale de barbe, des yeux clignotants d’ivrogne et un nez rouge qui prouvait surabondamment son péché.

Elle cria :

— C’est vot’ père, ça ?

Le bonhomme bafouilla :

— Oui, ma vieille… Je n’ vous flatte pas, princesse… mais quand je suis en dimanche, j ’vaux l’ voisin qui est bien habillé. Vous avez été bien gentille de vous occuper de la petite. C’est une fille pas fière, et elle cause gentiment au monde. J’ vas vous payer un verre pour vous remercier.

— Je… je ne bois jamais entre mes repas… bégaya Prudence avec un mal infini.

— Allons, faites pas de façons… le père Rigolo est connu avantageusement dans tous les quartiers, et s’il porte le nom d’un cataplasme, il ne pique personne… Venez boire à la santé des futurs époux.

Un frémissement de dégoût secoua Prudence. Une stupeur la glaçait, bien que le soleil de juillet l’enveloppât. Que dirait M’sieu Jacques quand il verrait ce beau-père ? Maintenant, il ne fallait pas tergiverser, mais agir promptement.

Elle commença :

— Môssieu, mon jeune patron a changé d’idée… C’est un peu jeune et c’est comme les girouettes. Un jour, ça pense blond, et le len-