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son propre repos ! Il était dur de le reconnaître, et elle écartait de toutes ses forces le reproche insidieux, en voulant se convaincre que cette jeune fille était vraiment un être idéal.

Elle n’en parla pas à Jacques de la journée. On n’était qu’au jeudi d’ailleurs et, d’ici le fameux dimanche, beaucoup d’heures encore devaient s’écouler.

Lui ne pensait guère à cette histoire, qui ne comptait à ses yeux que pour le comique qui s’en dégageait. Il se méfiait, et à juste titre, du goût de Prudence, et si elle lui avait parlé d’un rendez-vous pris à son insu, il ne s’y serait pas rendu.

Il ne se doutait nullement des affres dans lesquelles errait la malheureuse. Elle remettait au soir, au matin, le moment de le prévenir.

Elle restait, par cela même, assez silencieuse, et le jeune homme, qui se distrayait à ses récits pittoresques, essayait de la tirer de ce silence en n’y parvenant qu’à demi.

Le samedi matin, pourtant, elle dut se décider, et elle appela son jeune maître.

— M’sieu Jacques, j’ai revu la belle jeune fille. Figurez-vous ce que j’ai appris ?

— Je n’ai jamais été fort sur les devinettes…

— Eh bien ! elle vous aime à périr…

— Quoi ! s’exclama Jacques… Elle me connaît tant que cela ? Elle m’a vu souvent ?

— Oh ! que oui ! les jeunesses ont des yeux à voir ceux qui ne les voient pas.

— Vous vous fichez de moi, bonne Prudence !

— Que non pas ! Elle m’a dit : « Quel chic type que ce garçon-là ! Je m’use les yeux à pleurer en pensant qu’il pourrait en épouser une autre ! Ah ! si mon papa, qui est si