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prudence rocaleux

tait des coups de gorge désastreux qui amenèrent Mme Dilaret assez inquiète.

— Vous êtes malade, Prudence ? Vous aviez un air si bizarre, tout à l’heure.

— Moi ? Je chantais, Madame, c’est vous dire que j’ai le cœur pur et l’estomac sans reproche.

— Je suis contente de vous voir sans souci. Je craignais qu’après l’affaire de la matinée, vous ne soyez désespérée.

— Que Madame se rassure, mon esprit est ferme, mon bon sens me commande et je vois l’avenir avec un œil paisible.

— Je ne vous cacherai pas, ma bonne Prudence, que je suis étourdie par vos énumérations. Vous mélangez le cœur, l’estomac, l’esprit, le bon sens et votre œil avec tant de vélocité, que je m’y perds.

— C’est que Madame n’a pas fait marcher sa langue autant que j’use la mienne. Moi, les mots me viennent facilement.

Encore une fois, Prudence arbora une attitude orgueilleuse, qui déclencha le rire intérieur de Mme Dilaret.

— Puisque tout va bien, je me sauve.

La domestique reprit le cours de ses méditations. Elle eût voulu être au lendemain, étant de ces natures qui ne peuvent attendre longtemps la réalisation de ce qu’elles ont projeté. Son plan lui devenait cher et elle le voulait définitif.

La journée passa. Le lendemain, elle se hâta pour sortir. Elle forma des souhaits nombreux pour la réussite envisagée. Elle rendrait ainsi service à deux jeunes tourtereaux, sans oublier qu’elle gagnerait la reconnaissance de la jeune fille, car, quoi qu’elle en dît, elle craignait quelque peu la justice.

Elle jouait constamment à pile ou face dans son esprit, et chaque incident lui devenait