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prudence rocaleux

— Alors, bonne Prudence ?

— M’sieu Jacques a trouvé l’entremets à son goût ?

— Il aurait fallu que je sois difficile ! Il était épatant !

— Ben ! M’sieu Jacques. Faudrait vous marier, parce que vous privez d’un bonheur une belle jeune fille qui l’attend.

— Qu’est-ce que vous me chantez là ? Il y a une jeune fille qui se meurt d’amour pour moi ? Mais cela me cause une peine horrible !

Jacques riait, ne prenant nullement au sérieux cette déclaration inattendue.

— J’ savais bien que vous étiez bon… J’ suis sûre que vous seriez compatissant aussi pour les vieilles dames. Par exemple, si j’étais mêlée à une affaire qui… que… ah ! tenez, je divague ! enfin, quoi ! vous ne me laisseriez pas dans l’embarras ?

— Pour sûr que non ! une si bonne Prudence qui fabrique de si bonne cuisine ! Je me battrais contre ceux qui voudraient faire du mal à ma nounou.

Cette appellation alla au cœur de Prudence. Elle se crut, durant un moment, la mère de ce beau garçon, et elle faillit l’embrasser. Elle se contenta de lui dire :

— Moi, je ferai vot’ bonheur, je vous le promets, et avec quelqu’un de tout à fait bien, la fille d’un « sécateur », qui est une belle blonde.

Jacques éclata d’un rire si sonore, que les casseroles accrochées au mur en tremblèrent.

— La fille d’un… d’un… sécateur ! glapissait le jeune homme en proie à un accès de gaieté délirante.

— Quoi ! quoi ! répétait Prudence comme un canard, vous êtes donc si content de vous marier ?