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CHAPITRE II


Le lendemain, Prudence ne tarissait pas sur Fourvière. Il semblait qu’elle eût découvert la colline. Elle se rappela les terribles éboulements qui s’étaient produits quelque dix ans auparavant, et pendant qu’elle discourait avec sa maîtresse, elle s’écria tout à coup :

— Avant de monter, je regarderai si c’est bien solide. Je n’ai pas échappé aux bombes pour être étouffée sous des rochers…

— Vous regarderez, Prudence…

— Je n’ai pas beaucoup dormi, parce que je voyais toujours cette Bonne Dame devant moi. Il me semble que je serai heureuse dans cette ville. J’y trouverai peut-être la fortune… Aujourd’hui, je m’achèterai un billet de la loterie. J’ai toujours voulu devenir riche, parce que ça me pèse un peu de travailler sans arrêt et de dire sans cesse : oui, Madame…

— Ne vous plaignez pas de votre sort, Prudence, surtout en ce moment, où il y a tant de malheureux, des réfugiés, des expulsés… C’est terrible !

— C’est vrai que je ne devrais pas ambitionner mieux. Être chez des patrons qui sont gentils, c’est un bon numéro de loterie… Pourtant, je prendrai un billet aujourd’hui… Je ne peux pas rester sur cette envie sans me la payer. Mais, assez bavardé ! le menu