Celle-ci revint très vite dans une tenue fort convenable.
— Je suis bien noire, n’est-ce pas, Madame ; mais c’est élégant.
— Vous êtes fort bien…
Elles s’en allèrent. Prudence commença par marcher à un pas derrière sa patronne ; mais cette dernière la pria de s’avancer un peu, car elle ne pouvait lui expliquer ce qu’elle désirait. Elle lui indiqua quelques fournisseurs, puis elle proposa :
— Puisque nous avons du temps devant nous, je vais vous montrer le plus vieux pont de Lyon… il a huit cents ans.
— Oh ! là… comme Mathusalem.
— Vous avez dû voir déjà le pont Morand, et vous ne connaissez donc pas celui qui est là-bas.
— Je veux bien le regarder ; mais je ne passerai pas dessus… j’aurais trop peur qu’il craque ! c’est que je suis lourde…
— Il est solide…
— Ça doit tout de même être vrai, puisqu’il dure depuis si longtemps.
Prudence regarda le Rhône et resta pensive. Puis, elle avoua :
— Cette eau-là me paraît moins aimable que la Seine ; je crois qu’elle doit se mettre en colère.
— Quelquefois…
— Je l’avais deviné. Oui, il y a des différences entre les eaux comme entre les gens, et on se demande pourquoi. Ainsi, nous deux. Pourquoi est-ce qu’il y en a une qui sert l’autre ?
Mme Dilaret ne releva pas cette remarque. Elle se contenta de recommander :
— Retenez que ce pont s’appelle la Guillotière…
— J’essayerai, mais ma mémoire n’est