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prudence rocaleux

ne me trompe pas… et j’accuse les jumelles Justine et Julie…

Mme Dilaret eut un sursaut et l’effroi se lut dans ses yeux.

— Quoi ! que dites-vous ?

— Quand la police saura que ces deux femmes-là ont le talent de se faire ressembler au point qu’on les prend l’une pour l’autre, elle réfléchira, la justice. Les deux étaient à Lyon le jour du crime et l’une tuait, pendant que l’autre courait pour son alibi…

— Quoi ! vous avez appris tout cela !

— Oh ! là ! là ! et j’en ai des preuves dans ma tête !… Quand on parle d’agent de police, cette Julie a tout de suite une crampe et la v’là qui devient verte… Elle n’a pas plus de crampe que moi, mais la peur la torture… Sa sœur la méprise et la traite de sotte… Et la nuit !… c’te femme est dévorée par les remords… J’en ai entendu !… D’abord, j’ai rien compris. Quand on n’est pas assassin, on ne sait pas ce qui se passe dans ces cerveaux-là, mais on réfléchit…

— Ma pauvre Prudence, quel repos vous avez eu !

— Madame peut le dire ! et pis, fallait me taire… Si Madame savait les frissons qui me couraient dans le dos… on aurait cru des rats… Je tremblais et, le lendemain, je prenais mon café au lait comme une brave…

— Vous aviez du courage !

— Oui, parce que j’avais plutôt envie de me sauver, et quand c’te Justine bouscule sa jumelle en lui disant : « Tu n’es qu’une bique ! », je ne pensais pas à rire, bien que je poussais de ces éclats à faire peur aux moineaux ! Enfin, j’ai pu écrire à Madame pour qu’elle m’envoie c’te dépêche… Ah ! que je l’ai attendu ce morceau de papier !… mais y a pas à dire… j’ai bien joué mon rôle…