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prudence rocaleux

on a un cœur convenable, on aime ses patrons, surtout quand on réfléchit… C’est grâce à eux que nous vivons, nous autres, et si on n’en avait pas, on serait bien malheureux… On use de leur confort, et c’est joliment commode de ne rien payer et même de recevoir de l’argent pour être chauffée et nourrie… Moi, ça me rend quéquefois honteuse, et j’aime bien ma maîtresse… Il est vrai que je tombe toujours sur de bonnes gens…

— Je me serais mise en place aussi, approuva Justine, si je n’avais pas eu la baraque de mes parents… Tout y était arrangé pour mes bestioles et j’ vendais bien mes produits… Alors, j’ai laissé ma sœur partir seule…

— C’était bien combiné, du reste, dit Prudence.

— Faut s’entr’aider… tout est là…

Tout en parlant, les trois convives attaquaient un savoureux poulet… Elles le mangeaient avec en entrain joyeux, non pas à cause de la rareté du fait, n’en étant pas privées, mais simplement parce quelles pouvaient en choisir les morceaux, ce qui n’arrivait jamais à Prudence, ni à Julie lorsqu’elle était en service.

— Moi, j’aime tant le foie, criait Prudence excitée par le bourgogne, et comme Madame et M’sieu Jacques en sont friands, je n’y goûte jamais…

— Et moi, le contre-pilon est ce que je trouve de meilleur, et il y a toujours du monde qui a mes, goûts, n’est-ce pas ? dit Julie, et jamais je n’en mangeais…

Soudain, Prudence s’écria :

— J’ai une nouvelle connaissance, rencontrée à Fourvière, c’est Mam’zelle Parate, une sainte qu’est résignée… Je ne suis pas encore allée la voir, mais certainement que j’irai, quand j’aurai du noir dans le cœur…