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prudence rocaleux

le soir, quand tout le monde est enfermé chez soi et qu’on n’entend plus que les craquements du bois et le galop des souris, cela me ferait sauter en l’air… Et puis, quand on est seule, on pense, et tous les petits péchés qu’on a commis vous reviennent dans la cervelle comme des piqûres d’aiguille.

— Quelle drôle d’idée ! intervint l’une des jumelles.

Prudence rit en les regardant et elle s’écria :

— Comme je serais contente de savoir qui est Julie ; je la devine par moments… mais j’ai encore peur de me tromper…

— Demain, vous ne commettrez plus d’erreur… et même ce soir, si ça vous fait plaisir ! Je suis Justine…

— Vous ?

— Oui…

— Eh ben ! j’aurais pas cru… Il me semblait justement que c’était votre sœur !…

— Non… je suis Justine… je suis plus causeuse… Julie a souvent des idées d’ennui. Elle regrette de temps en temps la grande ville, tandis que, moi, je suis habituée aux champs.

Prudence examina plus attentivement celle qui avait nom Julie. Cette dernière lui sourit et elle la reconnut mieux, malgré la coiffure différente qu’elle portait maintenant.

Julie prit un ruban dans un tiroir et se le noua autour du cou.

— Voilà… vous ne serez plus embarrassée…

— Ah ! j’aime mieux ça !… J’étouffais entre vous deux si pareilles. Cela me donnait même de l’angoisse… J’avais beau me raisonner… Je vais être plus à l’aise… Alors, Julie, vous voudriez encore être à Lyon ? Ça ne m’étonne pas… c’est une belle ville et vous y étiez habituée… J’ai eu du mal à me faire à leur Rhône et à leur Saône, mais maintenant je traverse les ponts comme si j’étais née des-