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prudence rocaleux

— Non, repartit brusquement l’une des sœurs, c’est surtout de la patience qu’il a fallu…

Prudence jeta les yeux sur celle qui lui parlait. Elle ne put savoir si c’était Julie ou Justine et elle ne répliqua rien. Elle se dit qu’avec un peu plus d’habitude, elle finirait par reconnaître son amie.

Ce qui lui paraissait changé, c’est que les deux jumelles arboraient un air goguenard qu’elle ne soupçonnait pas à Julie. Elle lui avait toujours trouvé un air bonasse. Elle s’avouait même que, plusieurs fois, elle l’avait taxée d’ « innocente », mais elle n’osait plus maintenant, devant cette belle maison, remplie de choses si confortables.

Elle ne se lassait pas de complimenter.

— Ce que j’aime votre habitation !… C’est un vrai petit château !

— Ah ! nous en sommes loin ! s’écria une des sœurs.

L’invitée rangea le contenu de sa mallette dans les tiroirs de sa jolie commode Louis XVI, tout en bavardant avec ses hôtesses. Puis, il lui fut offert un cordial dans la petite pièce gaie communiquant avec la salle à manger.

Elle s’assit devant une table élégamment servie, sur laquelle, malgré les restrictions, des petits pains, du beurre frais et des confitures formaient un attirant appel.

Que cela lui parut délicieux !

— Peste ! la jolie théière !

— C’est un cadeau de feu monsieur… il en avait tant ! et celle-ci est la moins jolie…

— Vous en avez eu une chance !

— Il était très bon…

Et Julie eut une moue comme si elle allait fondre en larmes.

Justine s’écria :

— Ah ! ne pleure pas ! c’est par trop bête…