Page:Fiel - Prudence Rocaleux, 1945.pdf/179

Cette page a été validée par deux contributeurs.
181
prudence rocaleux

ques venir au-devant de sa mère, elle n’aurait pas laissé sa maîtresse revenir seule, mais l’heure du dîner approchait.

Bien qu’elle eût donné ses pleins pouvoirs à Eudoxie, la vieille habitude du travail subsistait.

— Ouf ! Eudoxie, me v’là… C’était d’un beau à ne pas croire ! Ben ! quand je suis entrée dans cette église pour la première fois, je ne me doutais pas qu’elle avait vu tant de choses ! Y paraît qu’elle est vieille… vieille… des centaines d’années, quoi ! Que c’est curieux, plus les pierres sont vieilles, plus belles elles sont, tandis que les femmes ! ah ! nos pauvres museaux ! Enfin, c’est comme ça…

— Oui, quand on dira et redira !

— Not’ dîner est-il prêt ? Y sent bon toujours ! Quand on ne fait pas la cuisine, on a bien faim… Je m’assoirai devant mon assiette avec plaisir…

Eudoxie paraissait flattée de l’appréciation de Prudence, et elle s’affairait autour des plats.

Celle-ci dit soudain :

— Voici not’ monde qui rentre… Dans dix minutes, vous pourrez annoncer, Eudoxie.

Après le dîner, Mme Dilaret vint parler à sa domestique :

— Alors, ma bonne, qu’avez-vous à m’apprendre ?

Prudence se recueillit et dit :

— Ah ! Madame, vous êtes bien tombée… Cette bonne petite-là rit aux anges… Je n’ai vu que bonté sur sa figure… Les yeux sont bien ouverts et clairs… Ils regardent en face… y n’ont pas de pensées mauvaises… La bouche est franche, bien droite et sans détours. Pas de pli de méchanceté, pas de pli amer, pas de pincement jaloux, ni d’avarice. Un menton qui raconte qu’on sera un peu volontaire.