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prudence rocaleux

— Oui… mais y s’ tiennent encore tous bien…

— Oui, il faut attendre les vins… Ici, c’est plutôt le bourgogne qui délie les langues.

Prudence prépara le second service, et Eudoxie l’attendit pour le servir.

Quand elle fut partie, la pauvre Prudence s’assit pour réfléchir. Elle voyait la lune de miel dans un ciel nuageux, et elle se demandait comment elle pourrait entamer une conversation sérieuse avec sa maîtresse. Elle n’ignorait pas qu’il n’est pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Elle craignait que Mme Dilaret, déjà subjuguée par sa belle-fille, ne voulût pas se rendre à l’évidence… « Et pourtant, se répétait Prudence, mon devoir est là… il faut que je dise ce que j’ai vu. »

Eudoxie réapparut en disant :

— Ils commencent à s’échauffer un peu… L’oncle de la demoiselle a l’air d’un brave type. Ils sont en train de parler culture… Il paraît qu’il a un château avec des fermes. La fille ne savait même pas que le blé se sème en automne ! Vous parlez d’une délurée !

— Quand je vous disais qu’elle aime mieux ouvrir les lettres de son cousin !… Trouvent-ils le dîner bon, au moins ?

— Pour ça, y n’ sont pas avares de compliments… La petite fait les yeux doux à son galant, mais elle ne laisse pas une bouchée de ris de veau…

— L’amour ne leur serre pas l’estomac ! J’vous dis que le sentiment n’y est pas !

— Ça n’a pas l’air ! Vous qui aviez peur qu’ils ne mangent pas ! Ah ! misère ! pourvu qu’il nous reste quéque chose !

— Ne vous rendez pas malade… j’ai prélevé not’ part… Nous avons besoin d’être bien