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prudence rocaleux

— Posez ?

— J’ suis patriote… et ça m’a donné un coup au cœur de voir not’ beau petit gars assis entre papa et maman, au lieu d’être avec les camarades au milieu de c’te guerre de misère…

Mme Dilaret se leva comme un mât que l’on dresse et cria :

— Vous n’avez donc pas vu qu’il boite ?

Prudence écarquilla les yeux, puis elle murmura :

— Je n’avais rien remarqué. Il est vrai que je n’étais pas là quand il est arrivé, ni quand il est reparti… Ah ! tant mieux !

— Comment, tant mieux ! nous en sommes désolés, et lui tout le premier.

— Je disais tant mieux, parce que j’étais soulagée de savoir qu’il n’était pas un embusqué… un de ceux-là qui critiquent et ne sauraient même pas tirer un coup de fusil.

— Comme vous êtes simple, Prudence, et que cela fait du bien.

— Pour ça, oui, Madame, je ne suis pas fière, on me l’a toujours dit. À quoi est-ce que cela me servirait d’ailleurs ? Pour en revenir à vot’ fils, je me doute que vous avez de la peine de l’avoir si mal réussi… mais…

— Il n’est pas venu au monde ainsi ! protesta Mme Dilaret avec véhémence. Il a fait une chute de cheval…

— Oh ! aussi, cette idée de monter sur un cheval, faut pas jouer avec les animaux qu’on ne connaît pas.

— Il accomplissait son service militaire et n’avait qu’à obéir.

— Alors, c’est autre chose ! Eh bien ! maintenant, puisqu’il est libre, si on le mariait ?

Mme Dilaret, encore une fois, fut suffoquée par cette ouverture. Marier son fils, elle y pensait. C’était même son grand souci,