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prudence rocaleux

rons… Nous allons faire nos courses ensemble…

— À vos ordres, Prudence.

Pour Prudence, c’était un régal de commander parce qu’elle se sentait une âme d’autocrate. Heureusement pour elle, Eudoxie, en état d’infériorité de par sa méconnaissance des habitudes, se laissait faire docilement, il n’y eut donc pas de heurts entre les deux femmes…

Tous les préparatifs s’élaborèrent au long de la journée dans la plus joyeuse concorde, et Mme Dilaret, sans avoir à s’occuper de quoi que ce fût, ne put qu’approuver l’ordonnance du repas, quand elle lui fut soumise.

Elle admira sincèrement le travail des deux organisatrices et les félicita.

— J’espère que nos deux fiancés goûteront de nos plats, dit Prudence… Ordinairement, les amoureux ne savent pas manger… Ils se regardent et ne voient pas ce qui est dans leur assiette. Madame leur recommandera de ne pas être, aussi bêtes…

Mme Dilaret ne retint pas son rire.

— Madame n’a pas besoin de se moquer ! Je sais ce que je dis… Moi, quand je me suis fiancée à mon défunt, j’avais une boule… là… dans la gorge… Maman nous avait fricassé un civet de lapin avec des pommes de terre — et Dieu sait si j’aimais ce plat ! — eh ben ! je n’ai pas pu en avaler une bouchée… J’étais furieuse le lendemain… et maman m’a dit : « C’est l’amour, ma fille… » Alors, pisque demain, il s’agira encore d’amour, je préviens Madame… que notre future petite Madame ne soit pas émue, ce n’est vraiment pas la peine, l’amour ne vaut pas un bon dîner…