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prudence rocaleux

ciel serein que vous dites et moi serine comme un nouveau-né ; mes pensées se passaient dans les champs, dans la verdure et puis, crac !… tout ce bonheur s’est écrasé comme un pâté de sable…

— Enfin ! Prudence, me parlerez-vous de cette affaire sensationnelle ?

— Madame suppose bien que si je pouvais raconter, je le ferais ! Madame ne comprend pas mon bouleversement, mon émotion ! Non ? Telle que Madame me voit, j’ai failli coucher en prison et peut-être me réveiller guillotinée à 4 heures du matin comme un bandit ! Non… Madame n’a pas de pitié ! Elle me voit tremblante et presque étouffée ; mais cela lui est égal ! La pauvre domestique peut souffrir… Ah ! la justice, dans une maison où tout devrait marcher à la balance du juste !

— Prudence… je vais me fâcher… Vous parlez comme une pie borgne, sans m’apprendre ce que signifient votre état d’exaltation et ce rapt d’enfant… Je crois que vous perdez la tête… Allez enlever votre chapeau qui est ridiculeusement de travers… Occupez-vous du dîner et revenez me parler quand vous aurez vos nerfs apaisés… Allez !

Prudence, ahurie par son récent émoi et la sévérité de sa maîtresse, se retira un peu déconfite.

Elle se reprocha d’avoir parlé un peu trop, mais elle s’était sentie, tout à coup, hors de soi.

Restée seule en face de son fourneau, elle reprit possession de plus de modération.

Quelques minutes après, Mme Dilaret vint la trouver et, constatant que le sang-froid de sa cuisinière était revenu, elle la questionna :

— Maintenant, je pense que vous pourrez vous expliquer plus clairement ?

— Oui, Madame…