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prudence rocaleux

moutard sans un merci, je trouve ça un peu raide !

Commentant cet incident par devers soi, elle regardait machinalement les passants, et elle crut rêver quand une voix l’apostropha, après avoir jeté un cri aigu :

— Où est mon enfant ?

Prudence sursauta, mais répondit placidement :

— Je l’ai remis à vot’ sœur…

— Je n’ai pas de sœur…

— Ah ! bien… ça, c’est plutôt une histoire !

— Qu’avez-vous fait de mon petit ? répéta la mère de plus en plus haut.

— Pisque je vous dis qu’une femme est venue de vot’ part pour reprendre vot’ marmot ! Est-ce que je pouvais savoir que c’était pas de vot’ famille ? Elle courait, m’a arraché ce poupon de dedans mes bras, que j’en suis restée muette, et elle a filé ! Où qu’est ma faute ?

— Mon enfant ! mon petit !… cria la mère désespérée.

Un rassemblement se formait pour le plus grand ennui de Prudence. Chacun demandait des explications sans écouter les réponses. Prudence en donnait de son mieux.

— J’étais sur ce banc, pour me reposer au calme, vu que je suis en place et que je travaille toute la semaine et que j’ suis contente de me délasser les jambes le dimanche. C’te dame vient s’asseoir à mon côté, avec son petiot dans les bras… Tout d’un coup, elle veut donner la becquée aux moineaux comme si elle n’avait pas assez de son petit à nourrir ! Pour galoper à la baraque aux pains, v’là qu’elle me pose son rejeton dans les bras ! J’allais pas refuser à une mère de lui garder son poussin. J’ le câlinais quand une autre femme se jette sur moi, m’arrache le marmot