Prudence crut aimable de lui parler :
— Il est beau, vot’ petit…
— N’est-ce pas ?
— Il a bien trois mois ?
— Non… deux… depuis hier.
— Eh ben ! il a profité… C’est-y vous qui le nourrissez…
— Bien sûr, répondit la jeune femme, indignée qu’on pût lui poser une semblable question.
Prudence essaya de rattraper cette maladresse.
— Moi, j’aime les mères comme vous… Ne pas donner un autre lait que le sien, ça donne de beaux enfants… Aussi le vôtre est superbe…
— Il est ma consolation… Je suis veuve de guerre.
— Pauvre femme !… c’est dur…
— À qui le dites-vous !… Avoir son bonheur fauché… Vivre péniblement, c’est pas enviable…
Il y eut un moment de silence. La jeune femme regardait dans le vague d’un air mélancolique, et Prudence refrénait la joie de ses vacances proches pour paraître à l’unisson.
Soudain, l’inconnue dit :
— Oh ! ces petits moineaux qui tournent autour de nous !
— Ce sont des voraces !
— Ils sont amusants !… Si seulement j’avais un peu de pain à leur donner.
— Le pain est cher…
— Oh ! je ne leur en donnerai pas un kilo !
— Les moineaux ne sont pas si à plaindre !
Tout imbue des pensées de la campagne, Prudence se souvenait que les laboureurs craignent les oiseaux qui se nourrissent de tout ce qui leur tombe sous le bec : le grain,